Par Nicolas Valains
Avril 2020

Frédéric et Catherine Sofia composent depuis 2007 un duo d’artistes contemporains basé à Paris. Leur séparation en 2013 marque un tournant dans leur œuvre, devenue non plus celle d’un couple mais plutôt d’un binôme dont la famille serait aussi celle des créations nées de leur travail partagé.

Ainsi, leur volonté commune de rendre compte d’une vision du monde où aliénation et rapports de domination présideraient à une esthétique renouvelée de la tension et de la dualité, déjà nourrie par leurs cultures professionnelles respectives (designer industriel pour l’un, graphiste pour l’autre), ne s’en fait que plus directe, plus explicite.

À cet égard, leur travail semble porter une sorte de deuil de la séduction, dont les mécanismes sous-jacents se trouveraient dévoyés en un constant et subtil rapport de force (humain/animal, masculin/féminin, producteur/consommateur) qu’il s’agirait d’objectiver avec le regard de l’artiste comme la précision de l’ingénieur.

Empreintes d’élégance autant que d’âpreté, les sculptures qui en découlent pourraient bien être les protagonistes de ce jeu complexe, entre auscultation et décodage de l’ambivalence des liens que nouent les humains avec leur environnement, donnant lieu des objets figuratifs hybrides, aux frontières de l’art et du design, en lisière du kitsch et du « faux naïf ».

Une telle synthèse est l’œuvre dans leur processus créatif même -lequel, tout en convoquant des procédés de création et de production éminemment inscrits dans l’ère numérique (modélisation, impression 3D à corps creux et épaisseur constante, peinture de carrosserie), débouche sur des pièces uniques dans leur finition, parce que notamment voulues et exécutées avec cette précieuse alchimie des couleurs, pigments et effets « candy » que la production de masse semble avoir renvoyée au seul artisanat.

Se revendiquant des « sémionautes » définis par Nicolas Bourriaud comme « inventeurs d’itinéraires à l’intérieur d’un paysage de signes […] dont les œuvres produisent ou matérialisent des parcours singuliers », Frédéric et Catherine Sofia reconfigurent ces totems de la civilisation consumériste dont les rituels ont fini par infuser leur démarche pour mieux en figer les féroces ambiguïtés, en cristalliser la magie équivoque.

Entre commentaire culturel, minimalisme pop et emprunts aux arts premiers, leurs créations font écho tant aux ruminations caricaturales mi-émerveillées mi-grinçantes de Saul Steinberg qu’aux associations caustiques et chatoyantes des displays d’Haïm Steinbach, aux claustrations acidulées et décoratives de Peter Halley qu’aux mutants biochimiques et fluorescents de Tetsumi Kudo.

À la croisée des catégories et des identités, faisant se côtoyer techniques de pointe et fétiches ancestraux, multipliant niveaux de lecture et références, ils insufflent aux corps creux et volumes négatifs dont est faite chacune de leurs flamboyantes mais dissonantes créations l’ambivalence de nos désirs et la vacillation de nos existences.

Par Julian Spalding
Art curator et écrivain
Avril 2020

« [Frédéric et Catherine Sofia] ont réuni leurs immenses compétences et leurs savoir-faire acquis dans l’exigeant monde professionnel du design. […] Justesse et netteté sont leur marque de fabrique. Chaque image, chaque objet sont impeccablement réalisés avec une finition d’une remarquable précision. Mais il ne s’agit pas de polir pour le plaisir de polir : leur éclat recouvre toujours une pensée plus noire. C’est ce qui fait la force de ces œuvres. Ce sont des visions immaculées d’esprits du passé dont émane une certaine sauvagerie et qui viennent visiter notre époque.

C’est le monde de l’hyper technicité moderne qui les inspire et les anime […] mais ce qu’ils recherchent réellement à travers celui-ci est autre : ces sentiments qui, plus ou moins consciemment, persistent en chacun de nous dans un monde aseptisé et digital. Rapprochement complexe, qui explique pourquoi leurs œuvres résonnent tant en nous, tout en nous mettant au défi de les cataloguer : ni pop ni conceptuelles, pas même des sculptures au sens commun du terme, elles explorent la fissure entre les formes, la brèche dans le glamour de notre temps.

La noirceur qui est en eux fait leur force. Le noir du vide qui remplit ces corps creux nous surveille mais nous interdit de les voir ; le noir de leurs orifices nous aspire, mais ne nous parle pas : partout Big Brother sous forme de souris, de lapin ou de chat – scrutateur mais non scruté. […] Les masques et les têtes de FC Sofia dressés sur leurs socles sont des esprits de notre temps, des versions contemporaine des visages mi humains, mi animaux que nos ancêtres, il y a des siècles, exhumaient exceptionnellement de leurs lieux secrets en de rares moments de peur collective afin de les implorer à exorciser les forces diaboliques qui les obsédaient. Ainsi FC Sofia trouve sa place dans les Musées de l’homme du monde entier, dans les sections qui traitent des frayeurs d’hier et d’aujourd’hui. »

By Nicolas Valains
April 2020

Frédéric and Catherine Sofia have been working together as a Paris-based pair of contemporary artists since 2007. Married until 2013, their separation proved to be a turning point; they now work together even more intensely, creating a new family of common artworks.

They have become even more sharply focussed in their shared desire to explore a worldview dominated by alienation and power games. They fuse their separate professional skills (Frédéric in industrial design and Catherine in graphic art) to create a powerful formal tension that somehow also mourns for the very idea of seduction. The continuing and subtle balance of power between humans and animals, men and women, producers and consumers is transfixed here by the artist’s keen eye and the engineer’s precision mind.

Fear sits cheek-by-jowl with charm, exuding a bitter sweetness.  The resulting sculptures can be seen as protagonists in a paradoxical game, examining and unravelling the ambivalence of the links humans establish with their environment. They are hybrid figurative objects that stretch the boundaries of art and design, edging kitsch close to the « faux naïf ».

Such a synthesis goes deep into the heart of FC Sofia’s creative process. This relies on production methods typical of the digital era (modelling, deep-drawn 3D printing with a constant thickness, car body paint) but generates in the process pieces that are absolutely unique.  This is particularly noticeable in their finish, for these are created by an alchemic mix of colours, pigments and « candy » paint jobs that combine mass production methods with individual craftsmanship.

Inspired by the idea of « semionauts » (etymologically « signsailors ») defined by Nicolas Bourriaud as « inventors of pathways through a landscape of signs […] whose works produce or materialize singular journeys », Frédéric and Catherine Sofia reconfigure the totems of a consumerist civilisation whose rituals end up being part of their own approach, in their attempt to fix these icons’ fierce ambiguity and crystallise their shady wizardry.

Hovering between cultural commentary, pop minimalism and borrowing from primitive arts, their works echo both Saul Steinberg’s half-enchanted, half-wry caricatural ruminations, Haim Steinbach’s gleaming though caustic display-shelves, Peter Halley’s tangy, confined abstractions and Tetsumi Kudo’s bio-chemical and fluorescent mutations.  Situating themselves at the crossroads of types and identities, mixing state-of-the-art techniques with age-old fetishes, multiplying levels of interpretation as well as references, they put our ambivalent desires and ambiguous lives into the hollow shells of their flamboyant, jarring creations.

 

By Julian Spalding
Art curator and writer
April 2020

Our history is threaded-through with fear. Plagues were either on us or just over the horizon. So were wars. But in modern times, our lives have become increasingly cushioned against pain and even death. Today nothing, not even funerals are allowed to slow the modern go-get. But now, suddenly, everything has stopped, and we’re afraid to go out. Life has become serious once more. This means we can have real art again, for real art, as distinct from mere entertainment, is always serious at its core. That’s the darkness FC Sofia has been excavating: the darkness of fear that lies in the heart of art in our times.

They’ve been doing it for some time, long before the Covid-19 scare. They formed their artistic partnership in 2007, bringing together their considerable, separate skills in the exacting, professional world of design. This expertise governs every work they make. Immaculateness is their hallmark. Each image has to be perfectly realised and precisely finished. This discipline is never gloss for its own sake, a polish on nothingness. It is always a gleam on a darker feeling, which is one reason why these works are so strong. They are immaculate conceptions of ancient, wild spirits reborn in our times.

Modern technical production, the packaging and shape of a pill, the precise modelling of a sex tool and the perfect, metallic surface of a car, is the world these artists live in and emulate. But what they are really about is something different: the undercurrent of personal, individual feelings in our clinical, digital world. This is a complex brew, which is why these works of art are so resonant, challenging and difficult to pigeonhole. They are not pop, or conceptual, nor even sculpture in the usual sense, but explore the fissure between forms, the crack in the glamour of our age.

These works are contemporary in that they exist, on one level, entirely within popular culture; they look as though they’ve leapt straight from advertisements and animations, particularly those in which people and pets switch roles. And they pay lip service to the slick, sentimental art of our times found in Jeff Koons’ balloon dogs and Disney’s theme parks, created long after the acerbic brilliance of Ub Iwerks’ original Mickey Mouse. F C Sofia’s art is bitter and sweet.

Their works are conceptual in the sense that all art is; you can’t have art without thought. But they are creations, not merely illustrations of pre-conceptions. As Picasso said, ‘if I knew what I was going to do today, why would I do it?’ FC Sofia discover ideas and feelings as they work. These sensations cannot easily be put into words but they can be seen as clearly as images in a dream or nightmare. And these works can flip between the two alarmingly, delight one minute and scare the next.

It’s the blackness in them that makes them work. The blackness in the slits for eyes that survey you but don’t let you see them; the blackness in the holes for mouths that suck you in but don’t speak to you: Big Brother as a Mouse, a Bunny or a Cat – everywhere watching us but not observed himself. If Covid-19 has a face it could have been prefigured in the bright pink, bulbous, slit-eyed head with its jiggling, jingling ears, black choker and little lace frill collar in the latest FC Sofia set, mocking us as it evolves its new life to survive our latest onslaught of clinical, chemical, genetic engineering, with one sole ambition: to feed off us.

FC Sofia’s masks and their heads on sticks are the spirit-beings of our age, up-dated versions of those faces, part-beast, part-human, that our tribal ancestors made, centuries ago, to be brought out of jungles and caves and shown only in those rare times of collective fear so that their power could dispel the evil forces that beset them. F C Sofia’s sets need to be seen in Museums of Mankind, in displays showing the history of social fears, from France to America to Japan, because they update this theme and manifest our fears today. And new developments in their work, increasingly intense, haunting abstractions, indicate that this is just the start of their insightful explorations. They rank among the true artists of our times.

Nicolas Valains
April 2020

Frédéric und Catherine Sofia bilden ein Duett zeitgenössischen Künstler in Paris. Ihre Trennung im Jahr 2013 ist ein Wendepunkt in ihren Werk, nicht mehr das eines Paares aber vielmehr das eines Kreativbinom dessen Familie auch die von der zusammenarbeit geborene Kreationnen wären.

Ihr gemeinsamen Willen, über eine Vision der Welt zu berichten, wo Entfremdung und Herrschaft zu einer erneuete ästhetische Spannung und Dualität lenken, die bereits von ihren jeweiligen beruflichen Kulturen (Industriedesigner für einen, Grafikdesigner für den anderen ernährt wurde, fand nur einer direktere und explizitere Krafft.

Ihre Arbeit scheint also eine Art Trauer der Verführung zu tragen, deren Basismechanismen in einen konstanten und subtilen Kräfteverhältnis (Mensch/Tier, Maskulin/Weiblich, Hersteller/Verbraucher) abgewiesen würden. Dass mit dem Blick des Künstlers sowie die Genauigkeit des Ingenieurs objektiviert sollte.

Geprägt von Eleganz ebenso wie Bitterkeit, die daraus resultierenden Skulpturen könnten die Protagonisten dieses komplexen Spiels sein, zwischen Auskultation und Dekodierung der Ambivalenz der Bindungen des Mensch mit seiner Umwelt, die zu hybriden figurativen Objekten, an den Grenzen von Kunst und Design, am Rande des Kitsch und “Fake Naive” führen.

Eine solche Synthese findet sich in ihren kreativsverfahren selbst, während die Prozesse zum Erstellen und Produktion in der digitalen Zeitalter (Modellierung und 3D-Druck von einzigartigen Hohlkörperteilen aus konstanten Dicke, führt zu gleichermaßen einzigartigen Stücken in ihre Verarbeitung (Autofarbe), gesucht und ausgeführt mit dieser kostbaren Alchemie von Farben, Pigment und Candyeffekten, das die Massenproduktion anscheinend zur einzigen Handwerkskunst zurückgegeben hat.

Beansprucht von “Semionauts”, die Nicolas Burriaud als “Erfinder von Reiserouten in einer Landschaft von Zeichen, deren Werke eingenartige Strecken produzieren oder materialisieren, Frédéric und Catherine Sofia rekonstruieren diese Totems des Consumeristenzivilisation, deren Rituale anschliessend ihren Aufbau einhauchen, um die wilden Zweideutigkeiten besser fest zukriegen und die zweideutige Magie zukristallisieren.

Zwischen kulturellen Kommentar, Popminimalismus und Prime Arts Anleihe, geben ihre Kreationen sowohl Saul Steinbergs halbentzückt, halbgezwungen karikaturssinnen als auch die bissige und schillernder Verknüpfung von Haim Steinbachs Displays, und der säuerlich und dekorative Abgeschlossenheit von Peter Halley, und an den biochemische und fluoreszierende Mutanten von Tetsumi-Kudo Resonanz.

Am Kreuzweg von Kategorien und Identitäten, lassen Sie die Fortgeschrittene Technologie und die Ahnenfetisch in Berührung kommen , multiplizieren die lese Level und Referenzen, einflössen in Hohlkörpern und negative Volumen, jede ihrer flamende, aber dissonante Kreationen die Ambivalenz unserer Sehnsucht und das Taumeln unseren Existenzen.

Frédéric und Catherine Sofia haben ihre immensen Kompetenzen und ihr Know-how in der anspruchsvollen professionellen Designwelt gesammelt. Genauigkeit und Schärfe sind ihre Marke. Jedes Bild, jedes Objekt ist makellos mit einem bemerkenswerten Präzisionsabschluss gemacht. Es ist jedoch keine Frage des Polierens für das Vergnügen des Polierens: Ihre Brillanz umfasst immer einen schwarzen Gedanken. Dies ist die Stärke diese Werke. Dies sind Verstandsvisionen von Vergangenheitsgeist unbefleckt, von der eine gewisse Wildheit ausgeht und die unsere Epoche besuchen.

Es ist die Welt der modernen Hyper-Technik, die Sie inspiriert und beseelt, aber was sie wirklich durch diese suchen, ist was anderes : diese Gefühle, die mehr oder weniger bewusst in jeder von uns beharrlich in einer aseptis und digitalen Welt bleiben. Komplexe Annäherung, die erklärt, warum ihre Werke so stark in uns widerhallen, während sie uns herausfordern sie zu Katalogisieren : weder Pop noch konzeptionell, nicht einmal Skulpturen im gewöhnlichen Begriff, sie erforschen den Riss zwischen die Formen, die Lücke des Glamour unserer Zeit.

Die innere Schändlichkeit gibt ihre Kraft. Das Schwarze der Leere , das diese Hohlkörpern ausfüllt, überwacht uns, aber verbietet uns sie zu sehen; Das Schwarze ihrer Mundöffnungen saugt uns, sprechen aber nicht mit uns: Überall Big Brother unter der Form von Maus, Kaninchen oder Katze – erforscht, aber wird nicht untersucht.

Die Masken und Köpfe von FC Sofia, auf ihren Sokkel errichtet, sind Geiste unserer Zeit, zeitgenössische modernisierte Versionen der halbmensch/halbtier Gesichter, die vor Jahrhunderte von unseren Vorfahren, ausnahmsweise von ihren geheimen Orten exhumiert wurden, bei seltene Momente kollektive Angst, um sie zu flehen, die diabolischen Kräfte die sie beherrschten auszuteiben. So findet FC Sofia seinen Platz in den Museen des Menschen der ganzen Welt, in die Abteilungen, die von den Schrecken von gestern und heute handeln.